Hotdogger #27 en diffusion

LA LIGUE A TORT ?

LA LIGUE A TORT ?

EXTRAIT DE NOTRE ARTICLE PARU DANS LE 26ème HOTDOGGER ACTUELLEMENT EN DIFFUSION

Il fut une époque où les compétitions de surf étaient aussi simples à comprendre que la Ligue des Champions de football ou les tournois du Grand Chelem de tennis. Si la dimension sportive et compétitive du surf a toujours fait débat, le format étant considéré par beaucoup comme excessivement réducteur, la discipline a connu des grandes heures sportives sur des spots aussi divers que Pipeline, Jeffreys Bay ou encore Teahupoo. Même la France a compté pas moins de trois épreuves majeures (Lacanau, Hossegor et Biarritz) pendant deux décennies. Puis l’ASP qui était autogérée par les surfeurs a muté en une ligue de sport à l’américaine. Et plus rien n’a marché comme prévu, frustrant à peu près tout le monde, à commencer par les surfeurs eux-mêmes et leurs fans.

Le Basque Aritz Aranburu déchire cette droite aux Culs Nus en marge du Quiksilver Festival.
Photo : Fred Egli courtesy Quiksilver.

WSL. Trois lettres pour désigner une ligue américaine qui, depuis plusieurs années déjà, fait la pluie et le beau temps sur les compétitions de surf. Créée par Fred Hemmings et Randy Rarick en 1976 sous le nom d’IPS (International Professional Surfing), l’entité a changé une première fois de nom et de logo en 1983 devenant ainsi la bien nommée ASP (Association of Surfing Professionals) avant de renaître une 3e fois en 2015 sous le nom de World Surf League (WSL). Une ligue qui n’arrête plus de faire parler. Calendrier, format, relation avec ses athlètes, amendes et monopole, nous avons souhaité interroger certains surfeurs pros pour prendre la température de la situation. Preuve que le sujet est sensible, presque aucune personnalité contactée pour ce sujet n’a souhaité voir son nom apparaître. C’est donc avec la promesse de ne pas être cités qu’ils ont bien voulu témoigner.

Commençons par le calendrier. Chaque saison, au moment de son officialisation, ce dernier est débattu et (souvent) critiqué. Si les goofies réclament chaque année plus de gauches, les fans eux, réclament la France et moquent Trestles qui, depuis trois ans déjà, fait figure de dernière étape où se joue le titre mondial sur une journée. Car oui, à l’instar de la NBA (la ligue de basket) ou encore de la NFL (celle de football américain), la WSL a décidé en 2020 de se réinventer et de se lancer dans un tout nouveau format basé sur un système de play-off. Le but ? Attirer toujours plus de fans, quitte à décevoir les premiers concernés : les surfeurs pros qui font le show. Au programme donc depuis 2020, un circuit des 32 meilleurs mondiaux (le Championship Tour : CT) composé de dix étapes qui fait office de saison régulière. À la fin de cette dernière, on prend les cinq meilleurs garçons et les cinq meilleures femmes pour les faire s’affronter en play-off où le cinquième doit battre le quatrième et ainsi de suite jusqu’au boss final du jeu. Le tout, sur un seul spot et sur une seule journée. Mais si ce nouveau format était censé mettre un coup de fouet à une industrie du surf en crise, il semble avoir plus déçu que convaincu. Chez les fans, mais aussi chez les surfeurs eux-mêmes. « Pour moi, la WSL essaye de créer des histoires de manière artificielle, mais ça ne peut pas marcher comme ça. Le duel Andy Irons - Kelly Slater par exemple, c’était naturel. Eux, ils essayent de refaire ça de manière artificielle pour en faire un produit que tu vends, mais pour moi, il faut rester aux racines naturelles du surf. Ils raisonnent en termes de chiffres, mais seul le surf doit gagner au final. On a l’impression qu’ils veulent contrôler les chiffres et les résultats, mais le surf ce n’est pas ça » nous a confié un surfeur pro sous couvert d’anonymat. Même constat chez un de ses collègues un peu plus âgé du circuit Qualifying Series (QS, championnat qui permet d’accéder aux Challenger Series qui, eux-mêmes permettent de se qualifier pour le CT) : « Je trouve que leur nouveau format a complètement cassé le charme du CT. Oui, Trestles, c’est une belle vague, mais on a tous grandi avec des finales à Hawaii au Pipe Masters quand le titre se jouait là-bas et il y avait beaucoup plus d’émotion. C’était beaucoup plus dramatique et intense que ce format de play-off à Trestles où on sait déjà qui va gagner à l’avance et c’est un avis largement répandu dans le milieu. » Alors à quoi joue la WSL ? Jean-Baptiste Guégan, enseignant, journaliste et expert en géopolitique du sport : « La WSL fait partie de ces ligues qui se professionnalisent. Que les fans le veuillent ou non, le surf est entré dans une logique de business, de développement et de mondialisation avec une volonté d’élargir sa base pour augmenter son audience et sa visibilité, toujours dans le but de capter un maximum d’annonceurs. Là où le surf était vu comme le symbole d’une époque dans les années 70/80, il répond aujourd’hui à une demande sociale et sociétale. Dans le surf, vous êtes aujourd’hui avec une ligue privée, et les ligues privées, leur but, c’est de développer le business. »

Bien que risquées, car répréhensibles d’une amende, les critiques publiques envers la WSL se sont faites de plus en plus nombreuses ces dernières années, qu’il s’agisse de désaccords concernant le format ou le fonctionnement. En atteste le cas Gabriel Medina.

En mai dernier, après l’épreuve du Surf Ranch (une piscine à vagues), le triple champion du monde brésilien s’était adressé à sa communauté via les réseaux sociaux pour exprimer son mécontentement et son envie de changement au regard cette fois des critères de jugement.  « La communauté du surf, en particulier au Brésil, est consternée par le manque de clarté et l’incohérence du jugement depuis de nombreuses années maintenant, mais ces derniers temps, cela a été encore plus choquant (...) il apparaît clairement que le jugement récompense désormais un surf basique, des transitions incomplètes, tandis que la progression et la variété des manœuvres sont totalement éliminées de l’équation. C’est très frustrant et cela menace la croissance de notre sport. » Le natif de Maresias ne s’était pas arrêté là puisqu’il avait même avancé que « fans et sponsors n’accepteront pas que cela continue et, dans un avenir proche, finiront par se désintéresser [de la WSL]) ».

Une prise de position qui n’avait alors pas du tout plu à la WSL, tant sur le fond que sur la forme. Mais de Jérémy Florès à Michel Bourez, en passant par Italo Ferreira, Julian Wilson, Yago Dora ou encore Adriano de Souza et Lucas Chianca notamment, les surfeurs pros furent nombreux à soutenir publiquement cette prise de position, signe d’une réelle fracture entre la ligue et une (grande) partie de ses athlètes. Plus récemment, c’est son grand rival hawaïen John John Florence qui, chez nos confrères de The Inertia, s’est prêté au jeu de la critique, regrettant lui aussi, que les finales ne se jouent pas à Pipeline tout en jetant un doute sur la suite de sa carrière pro. La retraite ? « J’y pense tout le temps. C’est devenu parfois difficile pour moi parce que ma personnalité ne correspond pas vraiment à la compétition, surtout le Tour de ces deux dernières années. L’environnement a beaucoup changé et il ne correspond plus du tout à ma personnalité ».

Une piqûre de rappel pour la WSL qui ne doit pas oublier que toute organisation, quelle qu’elle soit, ne peut exister sans la présence de ceux qui font l’histoire et les exploits. Car il ne faut pas oublier non plus qu’avant d’être une marchandise marketing que l’on essore jusqu’à épuisement, le surfeur est avant tout un sportif. C’est lui qui écrit l’histoire et fait naître les souvenirs. Aucun d’eux ne mérite aujourd’hui d’être simplement réduit à un produit que l’on diffuse par pastille de 20 secondes sur les réseaux sociaux. (…/…)

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Jackson Dorian, fils de Shane et filleul de Kelly Slater, sur les monstres du 27 septembre 2023 dans le cadre du Quiksilver Festival. Photo : Seb Picaud courtesy Quiksilver.

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