La fermeture des plages est probablement sans fondement juridique et pourrait être attaquée devant le Conseil d'Etat. C'est une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir mais aussi une rupture d'égalité des citoyens devant la loi puisque en aucun cas la montagne ou les parcs n'assurent davantage de sécurité quant à la distanciation sociale souhaitée et recommandée. La secrétaire d'Etat Christelle Dubos a bel et bien répondu au député Marc Le Fur que c'était l'impossibilité de surveiller les plages qui motivait l'interdiction de leur accès. Aveu inconscient ou lapsus sémantique, l'espace public devrait par conséquent n'être accessible librement que s'il est surveillé (qu'en sera-t-il alors demain de l'espace intime ?).

Or la liberté doit redevenir la norme et la restriction l'exception motivée en fait et en droit. Les plages où l'inénarrable distanciation sociale ne peut être respectée ou n'est manifestement pas respectée pourraient être fermées par les maires qui ont reçu la délégation de la gestion de l'ordre public dans la bande des 300 mètres du littoral (on remarquera qu'il n'y est jamais fait référence, et que cela laissera tout loisir aux plaisanciers d'aller surfer sans passer par la plage). Mais pour la grande majorité du littoral français (3427 km), il n'y a, par avance, aucune raison logique ou légitime de penser que la population s'y entassera sauf à considérer que la prévention pénale doive s'instaurer comme un système où pour prévenir des infractions la liberté de tous doit être confisquée. Et le fait même de qualifier d'infraction le manquement à la distanciation physique dit bien l'incurie de la pédagogie d'un pouvoir exécutif qui avouant son incapacité à convaincre veut "surveiller et punir".

La plage et le littoral comme le reste de l'espace public doivent donc être rouverts et pas seulement aux surfeurs, aux sportifs et aux promeneurs, le concept de plage dynamique constituant lui aussi une rupture d'égalité entre les citoyens (car quid des handicapés, des personnes âgées qui auraient bien besoin de s'aérer, des bonnes sœurs, et des enfants ?).

Au-delà des intérêts particuliers, et derrière une apparente futilité, c'est la liberté de tous, sur la plage comme ailleurs, qui doit être rétablie.